Jean, duc de BEDFORD (1389-1435).
Troisième fils de Henri IV, il joua un rôle effacé jusqu'à
la mort du roi d'Angleterre, car il semble être le moins ambitieux et
le moins doué militairement des fils de Henri IV. La conquête de la Normandie
fut en fait menée par Henri V assisté essentiellement de son frère le
duc de Clarence et des comtes de Salisbury et de Talbot et accessoirement
de son frère le duc de Glocester, de son oncle le duc d'Exeter, et des
comtes de Warwick, de Suffolk, et de Huntingdon. Assurant une partie de
l'administration de l'Angleterre en l'absence de son frère (il rassemble
une flotte pour le siège le siège d'Harfleur en 1416, préside une séance
du Parlement en 1417), Bedford fit sa première apparition en France en
1420 au siège de Melun. Son aîné, le duc de Clarence, ayant été tué en
1421 à la bataille de Baugé, il est chargé du siège de Cosne.
En 1422, après la mort de Henri V et Charles VI, il accapara la régence
du royaume de France au détriment du duc de Bourgogne. Il est le seul
personnage important à assister aux funérailles de Charles VI. Ayant épousé
en 1423 la soeur du Philippe le Bon, il pût, tant bien que mal, maintenir
l'alliance avec celui-ci, malgré les frasques de son benjamin, le comte
de Glocester, qui tenta de s'emparer de la Hollande, après avoir épousé
Jacqueline de Bavière, femme du duc de Brabant. Au moment de l'attaque
anglaise sur Orléans, il n'est pas à la tête de ses troupes, alors que
Henri V y aurait certainement été.
En 1428, le duc de Bourgogne ayant reçu de la ville d'Orléans la proposition
de se rendre à lui plutôt qu'aux Anglais, le duc de Bedford se fâcha et
déclara qu'il "serait bien courroucé d'avoir battu les buissons pour que
d'autres aient les oisillons". Le résultat, c'est que le duc de Bourgogne
fit partir d'Orléans ses troupes qui participaient au battage des buissons,
et que le duc de Bedford n'eut pas pour autant les oisillons, l'armée
amenée par Gilles de Rais ayant assuré la supériorité numérique aux Français.
L'armée anglaise ayant été anéantie à Patay, le duc de Bedford n'était
plus en mesure d'intervenir militairement pour empêcher l'expédition du
sacre. Ce n'est que le 6 août qu'il fit une tentative en direction de
Nangis pour gêner les mouvements de l'armée française. Ne s'estimant pas
de taille, il n'approcha même pas des Français.
Le 13 août 1429, sans qu'on sache si le rapport de force était différent
de ce qu'il était une semaine plus tôt, Bedford intercepta l'armée royale
à Montepilloy : il était à la tête de troupes essentiellement composées
de croisés anglais initialement embarqués à destination de la croisade
contre les Hussites, mais qui avaient été détournés vers la France. Il
n'y eut en fait ce jour-là qu'une série d'escarmouches au cours desquelles
Georges de la Trémoille fut désarçonné, et un moment en danger de se faire
prendre ou tuer.
Le 14, Bedford fit retraiter son armée vers Paris en passant par Senlis.
Le 23 août, à la nouvelle de la reddition de Senlis, peut-être sous le
coup de l'affolement, il abandonna Paris et se réfugia à Rouen avec la
plus grande partie de son armée. A la nouvelle de la capture de Jeanne
d'Arc, il semble tergiverser avant d'accepter le principe d'un procès
d'inquisition, réclamé par l'Université de Paris à l'encontre de Jeanne
d'Arc. En tous cas, il précise qu'au cas où Jeanne d'Arc ne serait pas
brûlée comme hérétique, elle devrait lui être rendue. A Rouen, au moment
de l'arrivée de Jeanne d'Arc dans sa prison, il assiste, grâce à un trou
percé dans un mur, à l'examen de virginité mené par sa femme sur la Pucelle.
En janvier 1432, il manque d'être capturé par les Français entre Rouen
et Paris. La mort de sa femme en 1432, et son remariage avec Jacquette,
la nièce du chancelier Louis de Luxembourg - elle avait 17 ans - l'éloignèrent
du duc de Bourgogne. Il ne pût empêcher celui-ci de traiter avec Charles
VII.
Le 14 juin 1434, il écrivit une lettre à Henri VI où il justifie son activité
en France. Il y explique qu'après la mort de Salisbury : "il arriva par
la main de Dieu, comme il semble, un grand coup sur votre peuple qui s'y
trouvait en grand nombre, causé en grande partie, comme je le pense, par
une faute et erreur consistant en fausses croyances et crainte non fondée
qu'ils eurent d'un disciple et suppôt du Diable appelée la Pucelle" (a
disciple and lyme of the feende called the Pucelle). Le traité d'Arras
fut signé une semaine après sa mort, qui eut lieu le 14 septembre 1435
à Rouen. Il y est enterré, dans le chœur de la cathédrale. On possède
encore un somptueux livre d'heures enluminé pour lui, qui le représente
en compagnie de sa première femme. Sa livrée était de couleurs bleu-blanc-rouge,
décorée de souches et portant la devise "à vous entier". Il semble avoir
beaucoup apprécié la France, mais ses talents militaires et diplomatiques
n'étaient pas à la hauteur du projet de conquête élaboré par Henri V.
Incapable de remporter la victoire sur le champ de bataille, il indisposa
néanmoins à plusieurs reprises ses alliées français : le duc de Bourgogne
en lui refusant la régence puis la ville d'Orléans, l'Université de Paris
en créant une université concurrente à Caen, les Normands en les pressurant
fiscalement et en manquant parfois à la parole donnée, par exemple lors
de la reddition de Louviers en 1431.
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