Major ecclesia : Histoire de la cathédrale d'Orléans IVe - XVe siècles La Cathédrale Sainte-Croix d'Orléans
La Cathédrale Sainte-Croix d'Orléans Le premier évêque réputé pour avoir occupé le siège d’Orléans est Diclopetus, ou encore Diopet, aux environs de 350. Cependant, la cathédrale n’est pas forcément à ce moment un majestueux monument construit pour un usage religieux. Les premiers évêques pouvaient ne disposer que d’anciens bâtiments publics réutilisés, de thermes ou de maisons de particuliers. Les plus anciennes constructions retrouvées sous la cathédrale d’Orléans datent du Ier siècle de notre ère. Elles sont donc trop anciennes pour avoir été édifiées pour le culte chrétien. Mais comme l’église la plus ancienne de la ville, Saint-Pierre-Lentin, ne remonte qu’à l’époque mérovingienne, il parait davantage probable que jusqu’à cette date la première cathédrale réutilisait d’anciens bâtiments laïcs des restes d’anciens thermes ont été retrouvés au sud de la cathédrale. La Cathédrale Sainte-Croix d'OrléansDès le Vlle siècle, le vocable de Sainte-Croix est attesté. Au IXe siècle, une description de la cathédrale nous donne les dimensions du bâtiment, apparemment de plan basilical: 75,4 mètres de long sur 18,6 de large. Cette première cathédrale fut détruite lors de l’incendie d’Orléans en 989. Commence alors la construction d’un édifice roman, légèrement plus petit. Il ne fut terminé qu’au XIIe siècle. A la suite d’un éboulement en 1227 et de l’écroulement de la nef et du choeur en 1286, il fallut les reconstruire. Mais les clochers de la façade subsistèrent jusqu’en 1726. Le choeur de la cathédrale gothique était terminé en 1329, mais les travaux furent interrompus par la guerre de Cent Ans. La nef ne fut achevée qu’en 1530. En 1568, les protestants du prince de Condé, qui occupaient la ville, minèrent les piliers du transept, entraînant la ruine de toute la partie centrale de l’édifice, cependant l’abside ne fut pas détruite. La reconstruction commença en 1601, sous le règne de Henri IV. Elle devait s’effectuer àl’identique, mais en cours de réalisation, le projet fut plusieurs fois modifié : une flèche monumentale en style baroque avait réalisée à la fin du XVIIe siècle : menaçant mine, elle fut remplacée par la flèche actuelle en 1859. Les clochers du narthex, d’abord conçus sur un plan classique, furent finalement réalisés sous leur forme actuelle, allégée, en raison des fissures apparues dans les piliers pendant la construction. En 1821, le grand orgue de Saint-Benoît-sur-Loire fut installé dans la cathédrale. La construction ne fut considérée comme définitivement achevée qu’en 1829. Les tribulations de la cathédrale n’étaient pas pour autant terminées : la voûte du choeur s’effondra en 1904, le narthex fut défoncé par une bombe en 1944. La cathédrale d’Orléans est une des cinq plus grandes de France, c’est aussi un monument fragile: trop haute pour des piliers trop fln, construite en une pierre trop tendre, elle nécessite de constantes restaurations. On notera que c’est la seule église catholique dont les piliers ne portent pas de croix de consécration : la tradition rapporte qu’au moment de la bénédiction du maître autel par saint Euverte, au IVe siècle, les cieux s’étaient ouverts et que la main de Dieu était apparue. L’édifice, ainsi que les suivants, ne fut donc jamais consacré de main humaine. Environnement de la Cathédrale La présence d’un évêque implique l’existence d’un groupe cathédral, avec la cathédrale proprement dite, un baptistère et l’évêché. Il est intégré au IXe siècle dans le quartier canonial : le concile d’Aix-la-Chapelle en 817 avait défini les règles de vie des chanoines, religieux entourant l’évêque, réunis en chapitre, et dont la fonction principale était la célébration de la liturgie dans la cathédrale. Ils devaient également soigner les malades, faire l’aumône et former les futurs clercs. Le quartier canonial était fermé d’un mur, limitant un enclos, “claustra” ou “claustrum”, comprenant quelques églises et chapelles réservées àl’évêque ou au chapitre ou destinées au culte d’un saint particulier. Les chanoines vivaient généralement en communauté dans un cloître, comprenant une salle capitulaire, un réfectoire et un dortoir, mais certains d’entre eux pouvaient résider dans des maisons particulières. Un cimetière réservé aux chanoines occupait souvent le milieu du cloître. Des bâtiments de services pouvaient également se trouver dans l’enclos canonial : hôtel-Dieu, école, manécanterie (école de chant des enfants de choeur), viguerie (résidence du luge chargé de maintenir l’ordre dans l’enclos), celliers. L’enclos canonial formait une paroisse dont l’autel était distinct, dans la cathédrale, du grand autel réservé au chanoines. A Orléans, le quartier canonial occupait un sixième de la ville antique, dans l’angle nord-est de la muraille du IVe siècle. La plupart des bâtiments anciens ont disparu, mais on a retrouvé l’emplacement d’une église, Saint-Pierre-Lentin, et la cave du chapitre. Diverses maisons canoniales existent toujours, habitées par des particuliers. A l'origine des fouilles de la Cathédrale L’intérêt pour l’histoire médiévale remonte à 1850... Epoque héroïque oû l’archéologie est encore essentiellement une étude et une restauration, pas toujours fidèle, des monuments encore debout. Les fouilles consistent surtout à vider ces bâtiments des terres rapportées pour en retrouver les sols d’origine. Dans le meilleur des cas, une vue des fouilles terminées et quelques dessins figurant les beaux objets qui y furent découverts sont les seuls souvenirs qui nous sont conservés de ces travaux radicaux. Cet intérêt pour le Moyen Age n’est d’ailleurs pas général : le XIXe siècle vit aussi, à Orléans, la destruction du clocher de Saint-Aignan, de l’hôpital du XVe siècle et de la grande salle de l’université. Les années 1930 virent naître une passion nouvelle pour le haut Moyen Age, accompagnée par une recrudescence de fouilles, plus prudente et plus soigneuse qu’à l’époque précédente, même si les techniques sont loin d’être aussi minutieuses que de nos jours. C’est dans ce cadre que prennent place, en 1937, les fouilles de la cathédrale d’Orléans, menées par le chanoine Chenesseau, auteur d’une thèse de doctorat, soutenue en 1921, sur la reconstruction de Sainte-Croix entre 1568 et 1829. Il est élu président de la Société historique et archéologique de l’Orléanais en 1931. Les fouilles avaient été précédées en 1880 par une excavation dans le transept pour l’installation d’un calorifère. Conçues à l’origine comme un simple sondage dans le choeur, elles permirent du premier coup de retrouver les restes de la cathédrale du Me siècle. Elles furent élargies en 1941 pour en suivre les contours. La guerre, puis les nécessités de la reconstruction, empêchèrent que les recherches soient poursuivies dans la nef et les bas-côtés de la cathédrale actuelle. Un sol de béton fut coulé au-dessus des fouilles pour constituer une crypte archéologique. Le chanoine Chenesseau mourut en 1947 à Monaco. Après les fouilles : enseignements et restitutions Par réaction avec les excavations radicales de la fin du XIXe siècle, les fouilles de 1937 prirent le parti de laisser en place les structures au fur et à mesure de leur dégagement. Les surfaces explorées étaient ainsi de plus en plus limitées par des murs et des sols ramenés au jour, et les restes les plus anciens, passant sous les parties non fouillées, finirent par n’être plus que difficilement compréhensibles. On remarque essentiellement quatre murs gallo-romains, que des analyses récentes ont datés du 1er siècle de notre ère. Les parements externes se trouvant sous les restes de l’église du XIe siècle, on ignore s’il s’agit d’un petit bâtiment isolé ou d’une pièce d’un ensemble plus important. Le sol d’origine n’est pas identifié, soit qu’il ait été sur-creusé par la suite, soit qu’il n’ait pas été atteint par la fouille. Cette pièce semble avoir été utilisée comme une crypte funéraire dans l’église du XIIIe siècle : deux des sarcophages, ceux de Manassès de Seignelay (1207-1221) et Robert de Courtenay (1258-1279) en occupaient deux angles. La crypte fut abandonnée et remblayée après l’effondrement de 1286, car la tombe de l’évêque Raoul Grosparmi (1306-1311) en recoupe le mur occidental. Au dessus de cette crypte, plus àl’ouest, on trouve une mosaïque des IVe-VLIe siècle, mais les fouilleurs n’ont pas réussi àtrouver le lien entre ces deux structures, qui ont pourtant dû coexister entre le IV et le Xe siècle. Généralement considérées comme les restes d’un édifice thermal du IVe siècle réutilisés au Vile, les fragments de mosaïque conservés ne sont pas sans poser un certain nombre de problèmes. Si le fragment de bandeau avec inscription qui les entoure semble bien dater du Vile siècle, on n’a pas repéré, en cours de fouilles, le mur qui le limitait à l’est. Surtout, il n’est pas du tout certain que le motif ait été semi-circulaire dès l’origine : une mosaïque retrouvée dans le groupe épiscopal de Genève, daté du IVe siècle, présente un dessin semblable, mais dans une pièce rectangulaire. Malheureusement, la mosaïque est coupée, à l’ouest, par un arc de décharge des piliers du XIe siècle, au nord et au sud par les arcs de décharge du XVIe siècle, puis par les limites des fouilles. On ignore donc quelles étaient les limites originales du sol du IVe siècle, et la fonction de son ré-aménagement au Vile: abside de la cathédrale ou sol d’un baptistère. Trente-cinq centimètres au-dessus de la mosaïque, se trouve le sol de l’église du XIe siècle, qui est le bâtiment privilégié par les fouilles : on en a retrouvé les murs, les sols, les fonds baptismaux et deux autels, un consacré à saint Mamert dans l’abside, et le grand autel dans le choeur. Les clochers et les extrémités du transept sont également connues par des gravures du XVIIe siècle. Après les fouilles : les objets Trois sépultures d'évêques furent retrouvées en cours de fouilles. Leur identification posa quelques problèmes, les noms de deux d'entre eux n'étant pas inscrits sur leur tombe. La tombe la plus ancienne fut attribuée à Manassès de Seignelay (1207-1221) en raison des difformités du squelette : luxation congénitale des hanches, arthritisme, déviation des cloisons nasales. La chronique de Guillaume de Seignelay, évêque d'Auxerre et frère de Manassès, mentionnait justement l'état physique lamentable de l'évêque d'Orléans : pour cette raison, l'identification du corps comme étant celui de Manassès parut préférable à celle de Philippe de Jouy (1221-1233), dont le corps n'a pas encore été retrouvé. Toutefois, cette identification se heurte à un obstacle : la chronique mentionne que la tombe de Manassès fut l'objet d'un pélerinage important, alors que la tombe retrouvée fut abandonnée et recouverte de terre entre 1286 et 1311. Dans la seconde sépulture, le squelette était entièrement tombé en poussière, mais les vêtements et la crosse épiscopale permettaient de dater la tombe de la fin du XIIIe siècle. L'emplacement des tombes des évêques de cette période était connu, à l'exception de celle de Robert de Courtenay (1258-1279) et celle de Gilles Pasté (1280-1288). La pierre tombale était par ailleurs brisée par la chute d'une portion de voûte, probablement lors de l'effondrement de 1227 ou de celui de 1286. Dès lors, il ne pouvait s'agir de la tombe de Gilles Pasté, mort après et écroulement. La richesse du mobilier retrouvé plaide également en faveur de cette identification, car les Courtenay descendaient d'un fils du roi Louis VI le Gros. Raoul Grosparmi (1306-1311) fut identifié par une plaque fixée sur les restes de son cercueil, donnant son nom et la date de son décès. Ses gants étaient ornés de deux plaques en émaux byzantins du Xe siècle; fruits possibles du pillage de Constantinople lors de la quatrième croisade.
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